
Débarrasser le placard
Ça fait plus de quatre ans, que je retiens des images, que je les défais puis les reforme, que je les stocke dans un placard de mon crâne parce que mes souvenirs n’aiment ni la pluie ni les regards. Ça fait 4 ans que j’ai commencé à prendre tout ceci au sérieux, à me pencher sur la mémoire comme on s’inclinerait au-dessus d’un puits, un puits qui pue mais qui fascine.
Elle est grosse mais elle est drôle, la petite
Si on avait dit à la petite fille au bord de la piscine, enveloppée dans sa serviette de bain, le ventre bien caché sous sa serviette de bain serrée depuis le nombril jusqu’aux genoux, si on avait dit à la petite fille qui observe ses mollets comme on voudrait écraser une limace, qui regarde ses bras, ses cuisses, ses putain de cuisses…
Un pot de fleurs sur un lézard sec
À l’aube de la troisième guerre mondiale, il y a encore des jeunes parents qui prévoient, aux beaux jours, de faire baptiser leur bébé. C’est la seule info de ces dernières semaines qui m’a faite sourire, au sens de rire au niveau en-dessous, pas rire franchement mais rire un peu, rire un peu jaune, une toux saumâtre, sous-rire quand même.
Des boutures sur la langue
Ce sont quelques mots, quelques mots parmi la liste de mots désormais interdits de figurer dans les articles scientifiques étasuniens. Ce sont des mots qui forment un langage, c’est un langage qui constitue des recherches, ce sont des recherches qui incarnent des pensées, des pensées formulées par et pour des gens. Ce sont des gens. Ce sont des gens effacés, radiés, proscrits, bannis, cachés dans un placard ou sous le tapis.
Se serrer contre le réel
Aujourd’hui je ne fais que cela, me serrer contre le réel, me tenir proche de la langue et des nuances. Je ne veux que cela, que tout ceci soit lu au moins une fois, au moins une fois par une seule personne, une fois pour l’éternité, une fois pour que nos histoires soient retenues puis racontées, une fois pour une seule adolescente.
Je vous la souhaite entière
J'ai noté les pensées traversantes attrapées au vol comme des courants d’air ou la queue de Mickey mamie est tombée tombée tombée relevée tombée relevée puis tombée deux fois dans la même journée nez cassé pansement blanc sur cheveux blancs ton sur ton sur son grand âge ton sur ton sur mon angoisse Noël dans une chambre double y’a que nous que ça a gênés.
Dimanche, ma reine
La grand-mère a les paupières qui sautent et les sourcils qui sautent et la bouche qui souffle. Elle mâche de l’air, dans son visage des bâtons de vent. Sa tête roule sur le dossier du fauteuil. Ses mains dansent sous la serviette de bain qui lui sert de couverture. Il n’y a que ses cheveux qui ne bougent pas, qui restent à leur place, gris et blancs.
Hier elles vomissaient
Ces temps-ci la vie de mes amies prend des tournures remarquables cet hiver la tendance est au bébé ça y est chez les lesbiennes de ma génération c’est l’année des bébés quarante ans l’âge pour devenir mamans sûres de leur choix elles ont pris le temps de peser le pour le contre du type engendrer des gauchos éco-féministes woke capables de lutter contre les megabassines et Bolloré.
Festival Pal’Arbre
La rage, le néant, le vertige. Je ne marche qu’à cela. Cela sinon rien. Je veux dire, quand je rencontre quelqu’un ou que je lis un livre ou que je vois un film, à quoi bon s’il ne persiste rien d’autre que l’amertume ou la fadeur d’un fruit mort. À quoi bon ? À quoi bien ? À rien. Ne sert à rien.
Disco Queen 2024
Militantisme dans le sport et les sports de glisse : est-ce que les sportif.ve.s sont des citoyen·ne·s comme les autres ? C’est le sujet du prochain Disco Queen lors du Queen Classic Surf Festival avec mes golden invité.e.s présent.e.s sur place, la championne paralympique Marie Patouillet, la socio-historienne Anaïs Bohuon, la journaliste Chloé Célérien, les fondateurs de Skate Her Lucie Curutchet et Gaëtan Ducellier et la surfeuse et activiste Saltwater Pilgrim.
Vous et votre
Ah mais tu écris encore ? Oui connasse, c’est ce que ma sagacité avait à cœur de lui répondre mais rien n’est sorti comme tel. Là est mon plus grand chaos, avoir à supporter le décalage entre le labyrinthe cynique de mes réflexions et l’état minable de mes répliques. Chez moi, le fond et la forme dans leur station verbale sont un bordel terrible, faiblesse monumentale. Je me suis confondue en de troubles justifications, Écrire ? Je ne fais que cela, j’écris ici ailleurs j’écris sur des carnets sur mon ordinateur.
Apocalypse bébé et après
Je me souviens des affiches du Front National dans les rues de Vitrolles. C’était le milieu des années 1990, ils avaient recouvert les abri-bus, les parcs, les écoles et le parking des centres commerciaux. Je me souviens de la tête du bébé sur la photo. Sa mèche de cheveux fins tombait sur un front pâle. Ce bébé, il était adorable et touchant, un moyen de convertir à lui-seul en tradwives les nullipares syndiquées.
Rien que ça, Jésus
J’expérimente le crade, l’usure, les injustices réglées dans le vestiaire, les débats des allées, les voix qui râlent pour gagner le temps qui leur manquera forcément.
Paillasson de nuit
Cela fait plusieurs nuits que le sommeil m’échappe je le tiens d’abord fermement durant deux ou trois heures puis il se défait de moi s’enlève à mes bras s’extraie hors de mon cerveau en poussières de dodo
Marcher Marché
Durant les premières semaines, j’ai tant marché que j’ai eu la sensation que mes jambes se façonnaient dans la douleur, que mes pieds s’aiguisaient sous la lame d’un couteau de cuisine, à coup de hache, de burin dans les genoux, de pioche dans les fesses, de marteau dans le talon.
Journal de hangar
Tandis que la lumière de l’après-midi jaunit les tôles du hangar, je remarque quelques silhouettes bigarrées qui dansent sur les packs d’eau gazeuse. J’ai toujours trouvé cela superbe le saut furtif de la lumière dans la laideur, l’arc-en-ciel dans la flaque d’essence, sur les cartons les traits parfaitement droits du cutter rétractable, la poussière sur les poutres métalliques qui tombent en écailles de poissons.
Je me rappelle l’automne 2023
Depuis 39 ans on fête mon anniversaire la veille de Noël pas par fétichisme ni par manque de temps mais le hasard du calendrier je faisais le poids d’une dinde quand je suis née c’était le repère soufflé aux absents depuis la maternité le poids d’une dinde.
Le livre Finistère : un an déjà
ll y a tout juste un an le livre "Finistère" voyait le jour. Il met en lumière la richesse d’un territoire rural et océanique. On y parle de créativité, d’hospitalité, d’écologie, de gastronomie et d’hédonisme conscient. J’ai eu la chance de rédiger l’intégralité des textes et des 250 pages.
Presse : journal Sud-Ouest
Extrait : Après son premier livre « Chroniques du royaume », la journaliste et surfeuse Elisa Routa s’est laissée emporter par la littérature. Jusqu’à partir en résidence à la Maison François-Méchain, en Charente-Maritime, pour écrire son premier roman.
Pourtant, il y a la mer à Gaza
À l’écrit, j’aime user de la grossièreté, ça me libère, ça me fait du bien, ça attrape, ça va chercher un truc en moi et ça le balance dehors. Ça fait des va-et-viens avec ce que je ressens, ça rebondit quand j’écris putain de merde. Vous avez senti l’écho en vous, en lisant Putain de merde ?