Paillasson de nuit
Cela fait plusieurs nuits
que le sommeil m’échappe
je le tiens d’abord fermement
durant deux ou trois heures
puis il se défait de moi
s’enlève à mes bras
s’extraie hors de mon cerveau
en poussières de dodo
comme quand on secoue un tapis d’entrée
plein de miettes de la journée
et des précédentes
peut-être même des années
de poussière et de crasse
de boue de terre de graviers incrustés
dans le rectangle de jute tressée derrière la baie vitrée
chaque soir
on essuie nos journées
nos troubles
nos minuscules victoires
nos déchirures
nos faux espoirs
nos discussions de rayon
à son tour sur l’oreiller
le sommeil essuie
puis accueille
la merde encore collante
fraîche de la journée
après deux ou trois heures
la tête reprend le pouvoir
elle a fini d’être assommée
fini de digérer
elle recrache tout en postillons
elle dégueulasse les draps
et ses yeux grand ouverts n’ont pas fini d’y croire
à tout ce merdier
cette déchèterie sous Velux
à ciel fermé.