La santé mentale dans le sport et le surf

Depuis longtemps, j’envisage la blessure, le trauma et le trouble comme un caca. Quand je dis J’envisage, il s’agit littéralement du processus d’en-visager ; je donne à la blessure le visage d’un caca. Et quand je dis Caca, j’imagine une chiure flottant au milieu de ma tête, un bonbon marronâtre doté de deux bras articulant avec confiance quelques brassées entre mes deux hémisphères. Un excrément bébé-baigneur.

Le mot caca provient du latin cacare. Il a son équivalent en grec ancien, Kaká, qui signifie « les mauvaises choses ». Adjectif Kakos, mauvais. Et là, boom, en un éclair de clarté, tout fait sens. Blessure = mal = merdier.

Cela me plait de parler du merdier qui coule dans nos cerveaux et du désordre puant qui circule dans nos corps et dans le corps de nos parents et dans le corps des gens qu’on aime. Il semble que nous soyons unanimes pour qualifier le caca de sale, pourtant tout le monde est concerné, tout le monde a été un jour terni ou souillé. Tout le monde est sale, au sens de tâché.

Dans mon introduction (assurément plus élégante que ce post) de l’émission Disco Queen dédiée à la santé mentale chez les sportif.ve.s et surfeur.se.s lors du @queenclassicsurfestival, je débute par cette idée de tâches :

« On a des tâches invisibles, des tâches rondes partout sur le corps, des tâches sur le visage, des tâches difformes sur les joues, des tâches qui coulent de nos yeux jusqu’au menton jusqu’aux genoux, des tâches qui font tâche mais que personne ne voit, personne ne remarque les tâches sur nos bras. Personne ne sait tant que personne ne voit tant que personne ne sait tant que l’on ne dit pas, tant que l’on ne prête pas attention. Tant que l’on ne prête pas notre attention. »

Cette année, c’est ce qu’on a fait, on a prêté nos regards pour tenter de participer à une prise de conscience collective et à la déstigmatisation d’un tabou. Et c’était fou, fou comme on aime, fou pour de vrai, fou-troublant-troublé, aussi courageux et franc qu’un crottin sur l’émail blanc.

On me souffle que l’algo ne va pas aimer la répétition excessive du mot caca mais l’algo, je l’emmerde, au sens étymologique de Je le couvre de mes traumas.

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Elisa Routa

Journaliste et écrivaine, Elisa Routa publie depuis plus de 12 ans ses portraits, essais et récits d'aventures dans des magazines francophones et internationaux. Elle sort son premier recueil de chroniques en 2020 aux éditions Tellement. 

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