Étude de lettres

J’ai fait des études de lettres, ce qui littéralement veut dire ce que ça veut dire. J’ai examiné de petites lettres, des consonnes et des voyelles qui articulent des mots, des mots qui composent des phrases, des phrases qui, couchées les unes sur les autres, hissent des pages en guise d’architecture cagneuse de bouquins. J’ai étudié des lettres, donc des bouquins, avec la réticence juvénile et l’insolence bien peu singulière qui refuse tout d’emblée dès lors que c’est à elle imposé.

Assise sur les bancs de l’amphi, j’ai boudé les lectures académiques comme on s’abstient de goûter au morceau de poulet mâché par des dentitions sans carie. J’ai résisté aux viandes exquises venues de loin et convoitées par les hommes depuis des décennies. Aujourd’hui encore, je m’interdis de me vautrer sur ce qui a été vanté par la majorité bien éclairée, je m’oblige à regarder ailleurs, à chercher autre chose, lécher d’autres ardeurs, obéir aux voix obscures, grailler petit petit. Je préfère ce qui a été oublié, rejeté par intuition puis esquinté et profané par des dentiers pourris.

Pourtant, parfois, cela arrive, qu’un livre vu partout et dont on n’entend que du bien me surprenne et m’embarque. Cela m’arrive de me coller à la foule, de sucer la même chair, de n’être qu’une parmi. En ouvrant Écarlate de Christine Pawlowska (@ed_sous_sol), j’ai croqué et, grâce à la rage contagieuse de l’autrice qui n’écrira que cela, j’ai fini par dégommer son quignon de texte fiévreux de 110 pages.

Pour d’autres conseils de lecture approximatifs, retrouvez-moi cet automne-hiver à la @librairiebookstore. N’hésitez pas à passer, je suis à la lettre É.

“J’avais quinze ans. Il y a tant et tant de choses qu’à quinze ans on ne peut pas faire. Que les adultes nous interdisent de vivre. On ne peut pas partir, à quinze ans. On ne peut pas faire d’enfants, on ne peut pas aimer. Ma colère devint brutale. À quinze ans, on meurt bien, après tout.“

“Elle avait eu quelques désirs sincères, quelques frissons authentiques, quelques chagrins sans fard. Mais rien de tout cela ne l’avait faite fatiguée, usée comme je l’étais. Elle était intacte et je ne pouvais pas le lui pardonner.“ — Christine Pawlowska

Elisa Routa

Journaliste et écrivaine, Elisa Routa publie depuis plus de 12 ans ses portraits, essais et récits d'aventures dans des magazines francophones et internationaux. Elle sort son premier recueil de chroniques en 2020 aux éditions Tellement. 

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