Le Grand Marin

Le jour d’après {12 mai 2020}

C’est l’océan du Grand Marin. L’océan déchaîné, l’océan brumeux, l’océan enfin.

Il est le danseur que l’on surprend dans une pièce vitrée. Sa silhouette est multiple, son image est partout, ses gestes sont agités, son odeur saute au nez et tapisse mes poumons de contes de pirates. C’est l’océan du large juste là qui s’effondre à mes pieds. C’est le grand océan qui s’abat avec la dévotion d’un esclave devant un Dieu. Pourtant, moi, fidèle serviteur, je lui dois tout et lui consacre jusqu’à ma nouvelle liberté, celle à peine retrouvée.

La promenade est trempée, aspergée de ses larmes, lavée de ses éclats de joie. Habillé tout de gris, il avance de guingois comme un homme avec une jambe de bois. Dans le ciel, ivres et légères, à la merci des rafales, les mouettes se font bousculer par des coups d’épaules invisibles. En toile de fond, gommée par le lourd brouillard, la ligne d’horizon est floue. Un tableau sans cadre, un spectacle sans fin, une scène sans rideau pour des retrouvailles théâtrales.

Sous mes yeux, la liberté dans la peau de celui que j’aime. C’est l’océan du Grand Marin, l’océan déchaîné, l’océan enfin.

{Extrait} Chroniques du Royaume