Paris Surf & Skate Film Festival à Biarritz

3 jours de projections, débats & rencontres.

Du 9 au 11 juin au cinéma Le Royal, une sélection de deux longs métrages (dont une avant-première mondiale) et un programme de courts métrages 100% féminin que j’ai l’honneur de présenter.

Extrait du discours :

“Je suis très heureuse de présenter aujourd’hui cette édition 2022 délocalisée à Biarritz. J’ai découvert la sélection de courts-métrages il y a quelques semaines et il y a une vraie diversité dans les propositions ; une diversité des origines d’abord puisqu’on a des réalisatrices australiennes, anglaises, françaises, et américaines, une diversité dans les profiles des réalisatrices aussi puisqu’on a des réalisatrices émergentes, des surfeuses derrière la caméra, des activistes qui oeuvrent, à l’image de Lucy Small, pour l’égalité dans le sport et qui tentent d’accentuer l'a représentation des femmes dans les médias spécialisés surf. On a aussi sur l’écran du cinéma Le Royal des films de réalisatrices et scénaristes, plus établies. Je pense notamment à Carol Dysinger, avec plus de 22 ans de carrière, qui filme en Afghanistan depuis 2005, qui a notamment remporté pour son film “Learning to skateboard in a warzone” qu’on s’apprête à voir, l’oscar du meilleur court-métrage en 2020. La diversité des films touche aussi le format des courts-métrages, les thématiques, le genre, le fond et la forme ; on va voir autant des documentaires quasi politiques, des portraits, des reportages de terrain et des cartoons graphiques animés. Les réalisatrices et réalisateurs sont partis au Ghana, Sri Lanka, Californie, Afghanistan, Australie.

Je vais commencer par rappeler une chose histoire de mettre les deux pieds dedans mais c’est bien de le faire au début ; on assiste aujourd’hui à un festival de films de surf et de skate ; et le principe même de ce festival allie par définition deux domaines ; le cinéma d’un côté et les sports de glisse de l’autre. Et c’est important de rappeler que ces deux domaines sont majoritairement exercés, pratiqués, décidés et diffusés par des hommes. Donc choisir aujourd’hui de projeter une session de films uniquement presque réalisés par des femmes dans un cinéma indépendant, c’est beau et c’est un message fort.

Aujourd'hui, on assiste à l’élan d’une nouvelle génération de réalisatrices qui décident de passer derrière la caméra pour rencontrer, pour raconter l’histoire d’autres personnages, notamment des personnages féminins, ce sont d'autres histoires, et ces histoires vont au-delà de celles qu'on nous a longtemps racontées, au-delà aussi des rôles qu'on nous a proposés, voire imposés. Donc on se doit de considérer cette sélection de films comme une véritable prise de pouvoir puisqu'à partir du moment où les réalisatrices choisissent de tendre le micro à des gens qu’on entend habituellement peu, elles se réapproprient un récit, elles décident de diriger les jumelles, le regard du spectateur ailleurs. Pour illustrer ça, dans un court-métrage de la sélection, « The dream of the griptape » de Lise Pautonnier, c’est intéressant de voir à quel point la caméra, la caméra en tant qu’objet, peut devenir une arme. En tout cas, être en possession d’une caméra lorsqu’on est une femme, peut représenter un délit ou une menace. Et je trouve que ça en dit beaucoup sur la place des femmes dans le cinéma, et le pouvoir des femmes dans le cinéma.

Pourtant, ici, dans cette sélection, je tiens à souligner qu’il n’y a ni glorification, ni starification de personne, d'endroit, de vague, de style, de longueur de planche, de plage, de pays, de culture. Ces sept films ont tous en commun de poser le regard sur un changement, un vrai shift à la fois au sein d’une société, dans un pays, sur un spot, sur une plage, une ville ou un quartier. Mais puisque le changement s’accompagne souvent d’obstacles, voire de menaces, on assiste aussi à l’envers du décor, aux deux faces d’une même réalité.

Je me souviens d’une phrase de Sasha Jane Lowerson, première surfeuse trans à avoir remporté une compétition officielle l’année dernière en Australie, elle avait été invitée lors du Queen Classic Surf Festival, elle a dit, “C’est pas facile de marquer l’histoire”. Et c’est précisément vrai. C’est ce que nous rappellent ces films, ces parcours de femmes, ces actions de collectifs de femmes, c’est ce que nous rappellent aussi ces choix de réalisatrices, puisque ce sont surtout des choix de réalisatrices, le choix de poser le regard sur ces vies-là.

Tous ces courts-métrages se rejoignent sur le fait d'être très engagés puisqu’ils sont tantôt réalisés sur fond de guerre, de répression policière, sur les vestiges de la colonisation dans un pays comme le Ghana, où on se rend compte que la plage a longtemps été le lieu de la colonisation. Ce sont communément des films qui traitent de sujets, si ce n’est controversés, en tout cas complexes et délicats. Je pense notamment au sujet de la transidentité abordé dans le film de Magdalena Wosinska qui retrace le parcours de Cher Strauberry, pionnière américaine, puisque l’une des premières skateuses trans. Elle est devenue, depuis, un symbole, malgré elle, on s’en rend compte, car en étant ce qu’elle est, en faisant ce qu’elle aime, elle incarne ce désir de changement, mais surtout ce désir d’être soi-même aux yeux des autres. Faire ce qu’on veut dans le corps qu’on veut fait écho à Suna, jeune srilankaise dans le film “We are like waves” de Jordyn Romero, qui, malgré le regard de la société mais aussi et surtout de sa propre famille, fait tout pour réaliser son rêve : devenir prof de surf.

C'est hyper beau et puissant de voir toutes ces histoires en condensé, tous ces parcours qui osent le changement, de toutes ces femmes qui ont non seulement des rêves mais font tout pour les réaliser. Je finirai par une chose et je parlerai en mon nom : j’ai hâte qu’on ait plus à organiser de festival 100% femmes, qu’on n’ait plus à créer de collectifs pour les femmes, car ça voudra dire qu’on en a plus besoin. Mais d’ici là, c’est nécessaire alors bravo à toutes les réal, à tous les créateurs de fesrivals, à tous les fondateurs, fondatrices et bénévoles des assos, ici avec SkateHer en France, au Ghana avec le collectif Skate Gal Club, ou encore en Afghanistan avec le Skateistan.”

Elisa Routa

Journaliste et écrivaine, Elisa Routa publie depuis plus de 12 ans ses portraits, essais et récits d'aventures dans des magazines francophones et internationaux. Elle sort son premier recueil de chroniques en 2020 aux éditions Tellement. 

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